Il était une fois…
On m’a demandé de raconter une fois, une seule fois cette histoire avant que je ne sois trop vieille et que j’oublie définitivement.
Je suis Fléonne, fille d’Enzollon, régent des peuples de la coutume. Mon père m’abandonna à mes 6 ans comme la coutume l’impose. Je dus très jeune me débrouiller pour survivre et faire ma place dans ce monde. Je mendiais, volais. On m’appelait alors
Fléonne la Souillon. Mais très tôt, j’appris à manipuler les autres en me servant de mes charmes pour parvenir à mes fins. Et très tôt, je fus plus connue sous le nom de
Fléonne la Félonne car rares sont ceux qui ne succombèrent pas à mes désirs mais qui ne le regrettèrent pas par la suite.
Je ne vous raconterai pas ma vie entière, là n’est pas le sujet. N’attendez pas non plus de moi que je vous livre mes secrets. Juste une histoire parmi celles qui ont parsemé ma vie.
Voici donc l’histoire de la prise d’Orléans par la Félonne.Lorsque j’arrivais dans cette ville, ma réputation m’avait précédée. Le premier à se lever fut Suisgénial :
« Regardez ! La félonne est parmi nous ! Gare à vos portes monnaies ! Prévenez vos hommes, elle n’en fera que pâté. » hurla t’il à la cantonnée. Bien heureusement, il était le seul à se méfier. Les autres ne virent en moi que ce qu’on doit voir, une délicieuse mijaurée. Nul ne vînt enquêter sur mon compte. Nul ne vît le quasi million que j’avais amassé lors de mes précédentes campagnes. Trésor de guerre qui me servirait à conquérir la ville de la pucelle.
Ma première tentative se passa comme à l’accoutumée. On entendit peu parler de moi. Je m’affichais mais sans excès. Je me montrais mais sans m’empresser. Je minaudais sur les marchés mais sans trop m’exposer.
A la fin, je parvins tout juste sous la barre du dixième fatidique. Mon allié, un Juilletiste convaincu, ne fît pas mieux. Suisgénial fît un peu mieux mais ses chances de l’emporter égalaient les miennes. Les grands vainqueurs étaient le Super Toto, aidé de son allié anonyme et le Tullien Zoreilles aidé de son allié Alaskien, Rapias. Suisgénial se reporta sur Toto. Je me reportais sur Zoreilles pour équilibrer les choses sans oublier de lui signaler qu’il me serait un jour redevable. C’est alors que Toto, fourbe par nature, passa un accord avec le dernier indécis : « si tu votes pour moi, lui dit il, je trahirai mon allié. Qu’est il pour m’inquiéter ? Il n’a pas d’amis. Toi, tu seras adjoint et moi maire ». Toto l’emporta grâce à cette trahison. Je me fis oublier pendant tout son mandat. N’avais je pas pris la défense de son adversaire ?
Vint le jour où son mandat fût remis en cause.Je me présentais au greffier et déposais une nouvelle candidature.
Etaient présents Super Toto, Suisgénial, le Tullien Zoreilles, son allié Rapias et un nouveau juilletiste Aye que je connaissais de par mes « oreilles ». Et d’autres concurrents mais qui joueraient un rôle secondaire dans mon histoire.
Dès le premier jour, j’invitais Aye à me rendre une visite de courtoisie.
- Bonjour Aye, je vous connais de réputation et je sais que vous arriverez à vous implanter dans cette ville. Certains me prêtent la réputation de soudoyer les équipes adverses. Je veux passer un accord avec vous. Aucun de nous n’attaquera l’autre. Et si vous en êtes d’accord, nous étendrons cet agrément aux candidats Zoreilles et Rapias.
Aye, en bon homme de paix acquiesça à ma proposition. J’allais rendre visite à Rapias et Zoreilles pour leur faire la même proposition. Je tentais également de convaincre Zoreilles de passer un accord avec Super Toto qu’il romprait au dernier moment pour lui nuire mais il refusa. J’aurais tant aimé que la sale besogne soit faite sans que je sois directement impliquée…
L’accord secret était scellé. Ainsi que le sort de Super Toto et de Suisgénial. Dès le départ, les hommes de ces derniers reçurent moultes visites tandis que mes propres hommes ainsi que ceux de mes alliés ne recevaient que quelques sollicitations vite déclinées.
Toto qui avait commencé à 30% de la population ne tarda pas à perdre de sa superbe sous les attaques cumulées. Quant à Zoreilles et moi, nous montions doucement dans les sondages. Quelques journalistes achetés, des meetings mal engagés pour nos adversaires, des citoyens charmés sur les marchés … Je fis même appel à un sorcier pour connaître les préoccupations de mes futurs administrés et apparaître sans cesse dans les feuilles de choux. Mais je respectais l’alliance secrète qui me liait aux trois autres et ces derniers en firent de même.
Vers le milieu de la campagne, j’appris qu’un nouveau souverain avait été nommé et qu’il ne semblait pas dédaigneux du genre féminin. Je décidais d’en profiter et usais de tous mes charmes pour le gagner à ma cause, lui et ses ministres. Un petit service rendu et il pût sans rougir m’accorder une subvention bienvenue.
Au même moment, je commençais à penser à l’avenir. Je contactais Zoreilles qui se trouvait à égalité avec moi et lui demandais s’il aimerait s’allier. Son accord m’aurait assuré la victoire car j’étais certaine de finir première.
Mais il préféra rester fidèle à Rapias. Je me rapprochais donc de Aye qui, comme je l’avais prédit, montait inexorablement dans les sondages. Je lui proposais d’être mon allié, ce qu’il accepta volontiers. Je promis à Zoreilles de respecter mes engagements et les respectais. Si je devais l’emporter en trahissant, autant que ce soit Super Toto et Suisgénial qui en fassent les frais. Au moment où je décidais de les annihiler, je n’avais d’ailleurs plus besoin d’eux pour gagner.
Mais je suis Fléonne la félonne et il me fallait être fidèle à ma réputation.
Super Toto serait châtié car il avait trahi son précédent allié, certain de ne pas être inquiété. Suisgénial serait châtié car il m’avait défié. Je contactais Aye et lui indiquais ce que je comptais faire au cas où ça lui remonterait aux oreilles.
Puis me rapprochais de Super Toto :
- Coucou, luis dis je, bon, j'ai envie de gagner cette élection.. Que dirais tu d'un petit accord entre nous et rien que nous ? Bises. Fléonne
- Et moi j'ai besoin d'une étoile... qu'est-ce que tu proposes ? me répondît-il.
- Eh bien, je deviens mairesse et
tu as ton étoile
. Je n'ai rien promis à personne et puis ma réputation est déjà bien basse (et me plait bien :p ). Je pense que Suisgénial va se reporter sur Zoreilles même s'il passe les 10%, juste pour me barrer le chemin. Compense le. Et même s'il se maintient, vu qu'il aura peu de chances de gagner, tu pourras choisir un autre candidat à soutenir
.
- Et après quelques hésitations : C'est bon, Suisgénial est ok^^. mais je n'ai pas cité ton nom... Je ne suis pas assez fou pour ça^^ Là je demande à tous mes reports de finalement voter pour toi, pour que Suisgénial soit foutu^^. De toutes façons, si je me reporte sur toi, dans la configuration actuelle, mon allié ne passe pas les 10% alors il ne pourra pas m'en vouloir...
Le piège était tendu. Les gens m’admiraient désormais à 32% et ça ne ferait désormais plus que monter. Je donnais ordre à tous mes militants de faire courir des rumeurs sur Suisgénial. Il ne devait pas passer le second tour.
Les hommes de Super Toto et de Suisgénial étaient sans cesse sous ma coupe. J’obtenais de précieux renseignements sur mes ennemis.
Suisgénial me détestait et me le faisait sentir. Super Toto ne tarderait pas à le faire.
Je promis à Aye le poste d’adjoint et à Zoreilles celui de conseiller.
La victoire m’était acquise. Les intentions de votes me donnaient plus de 70% de chances de l’emporter au matin.
Comme prévu, Toto se reporta sur moi, espérant en ma parole, parole que je ne tiendrai bien évidemment pas. Mais ses pauvres 4% ne me seraient guère utiles. Il n’avait même pas atteint le remboursement…
Je gagnais facilement l’élection. Une fois maire, je pillais la ville de ses ressources et commençais à me renseigner sur une ville correspondant plus à mes ambitions.
Lyon… Ca rimait avec mon nom.